Salomé Corvalan

Salomé est atteinte d’un lymphœdème : la lymphe circule mal dans son corps, et ses jambes gonflent. Depuis l’adolescence, elle a traversé une longue errance médicale, et une part de son identité s’est construite autour de cette expérience.
Avec le temps, plus sa jambe gauche gonflait, plus elle apprenait à détourner le regard. Elle m’a raconté qu’elle avait développé des stratégies pour ne plus voir ce côté de son corps, comme s’il n’existait plus.

Salomé est une personne douce, sensible et d’une créativité rare, avec laquelle j’ai eu la chance de beaucoup travailler. Sa résilience m’impressionne.

Un jour, j’ai lancé sur Instagram un appel à modèles “atypiques”. Je ne voulais pas photographier des corps qui répondaient aux codes de beauté habituels, mais des personnes qui, par leur vécu, viennent les bousculer. Tout le monde a une histoire à raconter, bien sûr. Mais certain·es portent des récits invisibles qui méritent d’être entendus.

J’ai imaginé une direction très simple. Je voulais sublimer son corps, le rendre visible, sans le réduire à une curiosité. Nous avons choisi d’y faire fleurir des pétales : une façon poétique de réconcilier le regard avec la peau, de ramener de la douceur là où il y avait eu du rejet.

Ce qui me touche le plus, c’est le temps qu’il a fallu à ce projet pour éclore. Se voir, même à travers mes yeux, a été un vrai processus pour Salomé. Et parce que je travaille toujours en pleine collaboration avec mes modèles, et que je refuse de montrer des images dans lesquelles iels ne se reconnaissent pas, nous avons laissé les choses mûrir. Les photos ont attendu, les mots aussi.

Aujourd’hui, je suis heureuse qu’ils existent enfin, ensemble.